Passionate Team // Quel avenir pour les produits à l’heure de l’écologie sociale et environnementale ?

Personne ne peut nier le changement en marche : des rayons de produits en vrac chez Carrefour, le succès des marques prônant le respect et l’environnement comme Patagonia, l’explosion de l’entrepreneuriat… 

En tant qu’agence de design, nous nous posons alors la question : quel avenir pour les produits à l’heure de l’écologie sociale et environnementale ?

Un nouveau rapport à l’objet

Alors que les majors de l’industrie orientent leurs efforts vers le biodégradable, qui permettrait de conserver le système de consommation actuel en estompant le problème des déchets, une autre solution se développe de manière plus discrète : la durabilité.

Il est évident aujourd’hui qu’il faut préserver  et optimiser les ressources. Pour ce faire, un nouveau rapport à l’objet s’impose. Car il ne peut y avoir de durabilité sans respect. En jetant un oeil curieux dans le jardin de mon voisin, je déniche ici un bodyboard trainant au pied d’un arbre depuis des semaines, un vélo électrique à la merci de la pluie… Ce type de pratiques, rendu possible grâce à la production de masse et au coût dérisoire des objets, aurait été inenvisageable au début du siècle dernier. Et il le sera à nouveau d’ici peu, du fait des nécessités environnementales.

Le second point indispensable à la durabilité est, bien évidement, la qualité de manufacture. Un produit bien fait, robuste, dure dans le temps. La manufacture devrait aujourd’hui être pensée géographiquement proche de son marché pour améliorer son impact social et écologique. Pour l’heure, ces deux contraintes majeures entrainent inévitablement un coût de production plus élevé.

Enfin, garder un objet longtemps est plus facile si sa valeur aux yeux de son possesseur est importante. Si l’objet est de grande qualité manufacturière, sa valeur financière sera bien sûr souvent plus élevée, mais cela ne suffit pas. Il est également indispensable que la qualité perçue de l’objet soit très grande. On parle ici de sa désirabilité, son exclusivité, des valeurs qu’incarnent sa possession auprès des autres. Sur ce point, le travail en terme de design produit (émotion esthétique, relation physique quotidienne à l’objet) et de marque (valeurs, vision, inspiration) est prépondérant.

Il apparait que les marques haut de gamme partagent ces valeurs de durabilité depuis des siècles. Elles sont pourtant rarement retenues comme des exemples par le grand public puisqu’il s’agissait là d’un marché de niche. Mais là encore, des changements sont en marche.

Un nouveau rapport à la consommation

L’accessibilité au confort est un combat qui a animé et animera toujours le monde. La solution des Boomers, actuellement la plus répandue, est l’économie d’échelle par la production de masse et le cost-killing. Pourtant, les Millenials, Gen Z et bientôt génération Alpha consomment selon un nouveau modèle, sans l’avoir conscientisé comme une potentielle solution. Or, ce sont leurs habitudes actuelles qui seront le nouveau standard de demain car ils représenteront un jour la majorité de la population.

Je m’intéresse de près aux tendances du milieu de la mode car je considère que c’est un incubateur de tendances de consommation pour de nombreux autres marchés. On y mesure très clairement que la génération « Nike Air Max – casquette Lacoste » (1) attache beaucoup de valeur et de sens à ses choix d’achats car elle est en quête d’exclusivité. Elle est donc prête à y mettre le prix en renonçant à d’autres achats moins essentiels à ses yeux.

D’après les prévisions de Euromonitor pour 2020, la moitié des consommateurs de marques de luxe auront moins de 30 ans (2). Cela oblige les grandes enseignes à faire évoluer leur offre en assumant ce segment de clientèle devenu majoritaire. C’est ainsi que l’on voit Louis Vuitton choisir Virgil Abloh comme directeur artistique ou encore Dior collaborer avec Stussy pour sa dernière collection…

Les règles ont changé et nous ne vendons plus la même chose aux jeunes… et les jeunes sont en train de devenir les adultes de demain.

L’objet redevient un investissement

Aujourd’hui, à part une maison, du matériel professionnel ou certains produits de luxe, lorsque l’on achète un objet, on ne s’attend pas à retrouver une partie de la somme dépensée ou à le transmettre aux générations suivantes. Ceci était pourtant le cas avant la génération des Boomers. Les objets avaient une valeur d’achat, la conservaient sur une longue période et se transmettaient. Les objets n’étaient pas futilités.

Le marché de l’occasion connait aujourd’hui un essor considérable grâce à sa structuration et sa digitalisation. L’expérience d’achat s’améliore et devient similaire au neuf pour certaines plateformes comme Vestiaire Collective, The Realreal, Grailed… 

En 2017, Leboncoin a enregistré 27 milliards d’euros de transactions (hors immobilier) (3), soit plus de 2 fois le CA 2018 de Decathlon, avec une augmentation de près de 3 0% par an. En 2019, Vinted affichait 700 à 800 millions d’euros en France (4), soit les 3/4 du CA France de H&M (5).
Grâce à une longue vie sur le circuit de la seconde main, la richesse générée par un produit profite à une multitude d’acteurs : agences de stratégie, design, marketing et marque, fournisseurs de matières premières, transformateurs, distributeurs, plateformes successives de revente d’occasion et bientôt fin de vie (6). Ainsi, le coût réel pour l’utilisation du produit est faible et sécurisé (prix d’achat moins prix de revente). 

Les objets de qualité de première, deuxième et troisième main ont des prix dégressifs. Pour autant leur valeur d’usage et affective demeure identique. Acheter neuf redevient un luxe.

Nous devons créer de la valeur mieux partagée, avec moins de matière première.Consommer des produits à forte valeur ajoutée avec un marché de l’occasion dynamique n’est pas une solution de rupture mais une évolution naturelle qui semble en marche.

Les nouvelles pistes de recherche

L’économie de la fonctionnalité comme le leasing fait partie de ces nouvelles propositions. Par exemple, Michelin propose désormais de vendre, non des pneus mais des kilomètres d’utilisation. Repenser son offre en service et non en produit impose une durabilité plus grande des objets. La valeur reste cependant centrée sur un nombre limité d’acteurs financiers et ne profite pas ou peu aux petites structures.

La recherche de matériaux moins impactants est également une nécessité. Cependant, ces derniers ne doivent pas faire baisser la qualité des produits, ni servir d’excuse pour donner un second souffle au mode de consommation de masse ou à « usage unique ».  Les matières plastiques ou les matériaux composites sont des exemples de performance et de durabilité. Il faut savoir les utiliser à bon escient. Un produit performant favorisera l’expérience utilisateur donc l’acceptabilité des marchés.

L’enjeu de l’éco-conception pourrait donc être de réussir à consommer mieux en choisissant parmi les objets ceux qui ont le plus de sens et en leur donnant plus de valeur.
Si vous le souhaitez, poursuivez la discussion…
(1) Si vous n’avez pas déjà découvert notre bibliothèque, je vous invite à la lecture de quelques ouvrages sur le basculement du milieu du luxe vers une population plus jeune et moins favorisée et sur l’impact des influenceurs de la streetculture, par exemple :
(2) Highsnobiety, The New Luxury: Defining the Aspirational in the Age of Hype , Gestalten
(3) Wikipedia, Le Bon Coin 
(4) LSA et (5) LSA 
(6) De nombreux travaux très intéressants sont en cours sur l’écologie et la fin de vie des produits. En tant qu’agence de design, ce sujet pourra faire l’objet d’un futur article de partage de veille technologique.

Crédits photos : 1/ Outercraft x Smog Films 2/ Surfrider Foundation 3/ Dior x Daniel Arsham & Delorean 4/ Leboncoin

Outercraft

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